DÉCRYPTAGE - Depuis 2014, plus de 35.000 personnes ont déjà été formées à la prévention du fléau islamiste, qui frappe aujourd’hui des mineurs dans 65% des cas. Othman Nasrou, nouveau secrétaire d’État à la citoyenneté, affiche la fermeté.
Moins de deux semaines après sa prise de fonction, Othman Nasrou, secrétaire d'État chargé de la citoyenneté, affiche sa volonté de frapper fort sur le front de la prévention de la radicalisation. Comme un symbole, il s'est rendu vendredi dernier à la clôture d'une nouvelle session nationale de sensibilisation réservé à 183 «acteurs de terrain» triés sur le volet. Réunis à huis clos pendant deux jours à Paris, ils sont autant de «capteurs» d'un basculement des plus fragiles et des plus venimeux vers la violence. Policiers et gendarmes, agents de préfectures et de l'éducation nationale, membres des collectivités territoriales et du tissu associatif, les auditeurs, parmi lesquels se trouvaient aussi un garde-frontière, un pompier ou encore un psychiatre, ont ainsi pu défricher la «géopolitique de la mouvance djihadiste», se familiariser avec les «concepts clefs de l'islam» avant de s'interroger sur les «modèles de prise en charge» des personnes radicalisées.
«Aux jeunes adultes qui basculaient au contact de représentants religieux fondamentalistes, nous sommes passés à une nouvelle forme de radicalisation, plus insidieuse, plus difficile à cerner, plus dure à combattre», observe Othman Nasrou qui insiste sur «celle d'adolescentes et d'adolescents qui, peu à peu, se coupent de leurs parents, de leurs amis et du reste de la communauté nationale par l'intermédiaire des réseaux sociaux, qui constituent aujourd'hui le mode principal de socialisation et de désocialisation des jeunes générations».
Les derniers chiffres fournis par le Parquet national antiterroriste (Pnat) sont sans appel : alors que les adolescents représentaient à peine 1% des mises en examen pour association de malfaiteurs terroriste en 2022, leur proportion a explosé pour atteindre 10% en 2023 et 21% sur les sept premiers mois de 2024. Un état des lieux du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR), porté à la connaissance du Figaro, confirme cette tendance : sur les 2558 personnes suivies mensuellement au premier semestre de 2024 dans le cadre des cellules de prévention de la radicalisation et d'accompagnement des familles (CEPRAF), les mineurs restent largement majoritaires. Représentant 65 % du total des personnes placées sous la loupe, ils progressent encore de deux points par rapport au deuxième semestre 2023.
Dans ce sombre panorama, les experts ont aussi abordé l'épineux sujet de la féminisation de la population ayant basculé vers l'islam le plus rigoriste, même si les hommes restent majoritaires (à 56%). Enfin, au chapitre de la «radicalisation en ligne», les analystes ont relevé une «réelle évolution de la propagande islamiste radicale depuis vingt ans, depuis le tournant du 7 octobre 2023». «Après l'attaque du Hamas, les messages affichent une romantisation de la violence et provoquent des chocs moraux en jouant sur le sentiment d'injustice, d'urgence et de danger existentiel légitimant la violence», précise-t-on au CIPDR, qui relève en outre une «consommation générationnelle» de contenus numériques violents, où s'entremêlent un «usage massif de l'IA», des animations autour d’une «familiarisation avec les codes «culturels» du djihad».
Accompagné d'Étienne Apaire, l'actuel secrétaire général du CIPDR, Othman Nasrou, qui n'ignore rien des menaces parfois physiques qui pèsent sur les acteurs de prévention, a prévenu : «Le temps du «pas de vague» est terminé. Chaque incident auquel vous serez confronté recevra une réponse avec la célérité et la fermeté que cela mérite. La politique de l'autruche n'est pas et ne sera jamais notre politique.»
Sur le front de la répression, quelque 60 étrangers islamistes radicaux, tous inscrits au fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT), ont bien été expulsés dans les cinq premiers mois de l'année. Même si ce chiffre a doublé en un an, Gérald Darmanin, alors ministre de l'Intérieur, savait que cela n'est pas assez au regard des quelque 1500 ressortissants, dont 700 en situation irrégulière, toujours suivis par les services au printemps dernier. Tenaillé par l'opinion et sentant venir le vent du boulet, l'ex-hôte de Beauvau avait adressé un télégramme début mai à tous les préfets pour augmenter la cadence. Sans vraiment offrir de moyens supplémentaires.
Le dossier brûlant est désormais entre les mains des nouveaux locataires de Beauvau. Aux côtés de Bruno Retailleau, Othman Nasrou a prévenu : «le gouvernement auquel j'ai l'honneur d'appartenir n'aura jamais la main qui tremble lorsqu'il s'agira de lutter contre le séparatisme». Sans attendre, son administration devrait dynamiser la riposte, en développant une vraie «culture de la vigilance» à travers le pays et en n'oubliant pas les départements ruraux. Depuis 2014, un peu plus de 35 400 personnes ont été formées à la prévention de la radicalisation. Ce sont autant de «fers de lance» susceptibles d'éperonner les chantres du repli identitaires et les islamistes en herbe qui minent le pays en profondeur.
Article à retrouver sur le site du Figaro : https://www.lefigaro.fr/actualite-france/islamisme-face-a-l-explosion-du-nombre-de-mineurs-radicalises-le-gouvernement-muscle-la-riposte-20241004
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