Contrepoints – Pouvez-vous présenter votre parcours en quelques mots pour nos lecteurs ?
Othman Nasrou – J’ai 35 ans et je suis Vice-Président de la Région Île-de-France, depuis 6 années. Je suis notamment en charge de l’enseignement supérieur et de la recherche mais aussi de la promesse républicaine pour faire en sorte que tous ceux qui veulent réussir puissent le faire.
J’ai également été Président du groupe majoritaire de la Région Île-de-France durant cette période. Je suis diplômé d’HEC, et je me suis engagé en politique après une première expérience de création d’entreprise, que j’ai revendue depuis. Je dirige également aujourd’hui une pépinière d’entreprises, dont j’ai effectué le redressement financier.
Contrepoints – La défaite de la droite à la présidentielle a-t-elle été l’occasion d’une introspection de la part de ses leaders ? Un rebond peut-il vraiment se dispenser d’une réflexion sur ses fondamentaux ?
L’échec de la droite aux trois dernières élections présidentielles vient de loin. Pourtant en 2017 et en 2022, avec François Fillon et Valérie Pécresse nous avions posé le bon diagnostic sur la nécessité de porter des réformes puissantes pour recentrer l’action de l’État sur ses missions essentielles.
La réalité c’est que la droite a perdu la confiance des Français en donnant le sentiment que sa main pouvait trembler. Nous avons promis la rupture en 2007 mais nous ne sommes pas allés au bout de cette rupture et avons envoyé ensuite tant de signaux contradictoires… Pire, nous avons donné le sentiment de reculer sous la pression de la gauche comme lorsque nous avons renoncé à supprimer l’ISF ou que nous sommes revenus sur le bouclier fiscal qui était pourtant une bonne idée.
Emmanuel Macron est venu brouiller un peu plus notre message. Certains dans notre famille politique se sont opposés à des réformes qui étaient pourtant dans le projet de François Fillon en 2017. Comment comprendre que certains à droite se mettent à critiquer la baisse des emplois aidés, la réforme de la SNCF ou la privatisation d’ADP ?
Nous avons besoin de faire le bilan de nos réussites, qui sont nombreuses notamment dans nos collectivités territoriales, mais aussi de nos échecs. C’est le seul chemin pour retrouver le cœur des Français.
Quelle serait la priorité d’une droite qui renoue avec ses racines libérales ?
Depuis des décennies, la dépense publique n’a cessé d’augmenter. Quand on regarde les données macro-économiques, dans l’ensemble, on peine à distinguer les périodes où la droite et la gauche étaient aux responsabilités. Sans doute parce que la droite n’a jamais eu le courage d’assumer la rupture avec la spirale de l’argent magique.
Nous devons accepter la rupture avec cette politique de dilapidation de l’argent public pour recentrer l’État sur ses missions essentielles : protéger, éduquer et soigner. Aujourd’hui l’État veut s’occuper de tout mais est défaillant sur l’essentiel des sujets du quotidien des Français.
Faire de la politique c’est accepter de faire des choix. Quand tous les sujets sont prioritaires, en réalité aucun ne l’est. C’est précisément ce que je reproche au en même temps macroniste.
Je crois que nous avons besoin de renouer profondément avec la Liberté. Redevenir le parti qui fera respirer les Français, qui les libérera des normes folles et d’une fiscalité spoliatrice, qui dévalorisent l’effort et le travail. Je veux que nous nous battions à nouveau pour les courageux qu’on décourage. Ceux qui se lèvent tôt et qui travaillent dur sans jamais se plaindre ni demander de subvention. C’est ce chemin que je veux donner à la droite.
Allez-vous être candidat à la présidence de LR pour insuffler ce renouveau ?
La seule question qui compte c’est de savoir comment nous allons redevenir une droite audacieuse qui saura retrouver le cœur de tous les Français. Pour cela, il faut renouer durablement avec la Liberté. Nous devons défendre la première valeur de notre devise contre tous ceux qui veulent l’égalitarisme dans la misère, le nivellement par le bas et la médiocrité pour tous.
Comment accepter que les discours politiques ne tournent désormais plus que sur des projets de réglementations et d’interdictions ? Je rêve que notre famille politique porte un autre projet de société qui permettra l’épanouissement de chacun. Mais pour cela, nous devons nous refonder en profondeur. Repenser notre fonctionnement interne pour donner plus de place aux adhérents, repenser notre communication pour que nos messages clés soient bien identifiés et avoir le courage de faire l’inventaire de nos propres renoncements pour retrouver à nouveau la confiance des Français.
Cette refondation ne pourra pas être une démarche individuelle. Nous aurions tort de vouloir ouvrir de nouvelles guerres de chapelles ou de générations. Nous avons besoin de renouer avec le collectif pour refonder en profondeur notre famille politique et pas seulement changer la couleur de la façade. Je veux être l’un des artisans de cette refondation.
Être libéral au sein des Républicains aujourd’hui, c’est encore possible ? Comment trouver sa place entre le populisme d’un Éric Ciotti et le socialisme conservateur d’un Pradié de l’autre ? En d’autres termes : où sont passés les libéraux ? Ils ont fini avalés par le centre autoritaire macronien ?
La droite est par nature attachée à la liberté économique. Ceux d’entre nous qui se réinventent en promoteurs d’une planification centralisée se trompent en réalité de méthode et de stratégie. Plutôt que de chasser sur les terres de la gauche, ma conviction est que la droite doit revenir à ses fondamentaux dont la liberté constitue le sel.
Quand j’entends certains défendre le blocage des prix, la planification ou l’allocation d’autonomie, au nom de la défense des classes populaires, je crois que cela mène à une impasse.
Je crois que le salut des classes populaires passera justement par une politique favorable à la liberté économique. Durant les prochaines semaines et les prochains mois je nourrirai cette idée par des propositions nouvelles et concrètes. La réalité, c’est que ce sont les Français les plus modestes qui sont en attente d’une politique de droite. Opposer une vision libérale et l’intérêt des classes populaires est une erreur d’appréciation majeure qui conduirait à la division de notre famille politique.
Dans un entretien à Valeurs Actuelles, vous avez jugé « mortifère » la proposition de certains sénateurs visant à légaliser la consommation de cannabis. Ne pensez-vous pas que la légalisation – préconisée par un think tank comme GenerationLibre par exemple – dans le domaine permettrait d’assécher les trafics et d’allouer les ressources policières à des tâches plus en adéquation avec leurs missions de maintien de l’ordre ? Il n’y aurait pas de solution libérale au problème ?
Je ne crois pas que la légalisation du cannabis soit une solution. Elle ne ferait pas disparaître les trafics. Au Canada, malgré la légalisation, la majeure partie du cannabis provient toujours du marché noir. Le trafic de cigarettes de contrebande est l’un des plus importants, alors même que le tabac est légal. Qui imagine que les dealers vont enfiler un costume pour ouvrir un coffee-shop ? Ils continueront de distribuer du cannabis de contrebande, et des drogues plus dangereuses, et la consommation augmentera encore. Bien sûr, il serait hypocrite de considérer que tout va bien. Aujourd’hui, la guerre contre la drogue est largement perdue par l’État. C’est pourquoi il nous faudra renouer avec une forme de volontarisme politique et surtout avoir une véritable politique pénale adaptée pour assécher les réseaux.
Légaliser reviendrait également à envoyer à notre jeunesse le signal que la drogue est un produit de consommation comme un autre. Je ne m’y résous pas. Le libéralisme n’empêche pas de défendre un véritable projet de société.
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